Par : Is-Deen O. TIDJANI (D.O.T)
L’Union Progressiste a tenue ce samedi 1er Décembre 2018, les travaux de son Congrès constitutif. À cette occasion, plusieurs discours ont été tenus pour justifier le contexte de la naissance de ce géant dans l’univers politique béninois. Le discours de Monsieur Bruno Amoussou aura été des plus incisifs et révélateur de la nécessité de la réforme du système partisan. Nous vous proposons ici, l’intégralité de ses déclarations. Lisez plutôt.
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CONGRES DU PARTI « UNION PROGRESSITE »
Adresse du président Bruno AMOUSSOU à tout le peuple béninois
Discours d’ouverture du congrès constitutif de l’Union Progressiste.
L’histoire nous enseigne que seuls les peuples qui ont décelé à temps les évolutions probables et qui, à chaque étape de leur parcours, ont trouvé les formes d’organisation sociale en mesure de relever les défis, eux seuls dis-je, ont réussi le pari de leur émancipation vers le bien-être, la paix et la sécurité. Le peuple béninois ne peut y faire exception. Aussi voudrions-nous inscrire notre démarche, qui débute ce samedi 1er décembre 2018, dans ce processus qu’imposent les expériences vécues.
Honorables invités.
Plus qu’une manifestation protocolaire et d’amitié, nous voudrions déceler dans votre présence l’exhortation à persévérer dans notre audacieuse entreprise de transformation sociale profonde. Soyez en remerciés. Soyez également rassurés car nous ferons en sorte que, d’ici quelques années, vous puissiez dire avec fierté : J’y étais. Nous en prenons l’engagement.
Chers congressistes,
Nos défis sont grands. Nous avons osé dire publiquement que notre système partisan est malade. Nous en avons dénoncé les insuffisances et les tares. Pendant des années, nous n’avons fait que déplorer la situation, sans rien entreprendre. A présent, nous avons décidé de passer à l’action, d’agir, de prendre nos responsabilités et de ne plus écouter les éternels sceptiques immobiles sur les trottoirs. En cela nous avons raison. Bientôt ils vont nous féliciter et nous acclamer.
Soyez donc les bienvenus, Chers camarades, acteurs du devenir de notre patrie. Comme moi, vous avez conscience qu’aussi importantes que soient les réalisations physiques (ponts, échangeurs, routes asphaltées), aussi élevés que soient les taux de croissance et autres performances économiques, nul ne peut garantir leur survie dans le temps si les forces sociales ne s’accordent sur comment vivre ensemble. Que de ponts détruits! Que d’écoles bombardées ! Que de belles et coquettes villes rasées ! Que de routes asphaltées rendues impraticables par les bombes ou par de fréquentes attaques armées !
C’est parce que nous ne voulons rien de tout cela, que nous avons décidé, chers amis congressistes, de sacrifier nos égo pour que vive le peuple béninois. En cela nous ne sommes cependant pas des héros. Nous prenons la suite de toutes celles et ceux qui, avant nous, ont préservé la paix dans notre pays. A chaque période de tensions extrêmes, alors que le pire paraissait inévitable, ils ont su trouver les compromis qui restaurent la fraternité sans passer par la barbarie fratricide. Ils sont nos véritables héros.
Ils étaient déjà présents dans la lutte contre le colonialisme. Voulant conquérir la liberté et l’égalité en éliminant les injustices et les violences coloniales, nos aînés s’étaient dotés d’une arme redoutable à la fin de la seconde guerre mondiale. Ils avaient fondé, en avril 1946, le premier parti politique jamais créé dans notre pays : l’Union progressiste du Dahomey. Augustin Azango qui en était le dirigeant, fort de sa connaissance du système politique français, a su orienter les actions vers les cibles qui desserraient l’étau colonial sur les populations. Malheureusement, le virus de la division et les conflits d’ambitions ont tôt fait de bloquer l’exploitation de ce merveilleux logiciel dont on pouvait attendre d’excellentes performances. Toutes nos tentatives de le relancer, depuis 1960, n’ont connu que peu de succès. C’est dire l’intensité de l’effort à fournir si nous voulons nous ouvrir de nouvelles perspectives.
Nous voulons transformer la société béninoise. Nous savons qu’elle est le fruit de l’histoire. Bien entendu, nos aïeux avaient leur manière de vivre individuellement et en communauté. Mais ces règles endogènes ont été bousculées et parfois combattues avec violence par le colonisateur au profit d’une autre organisation sociale destinée à piller nos ressources. Aujourd’hui, nous sommes invités à participer à une mondialisation qui « ne marche pas pour les pauvres du monde, qui ne marche pas pour l’environnement, qui ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale »(1).
Ce survol historique montre la complexité de notre tâche. Il nous rappelle que la société béninoise, comme celle des autres pays africains, est une construction originale car aucun autre peuple n’a subi les mêmes agressions dans l’histoire de l’humanité.
Je sais que pour beaucoup de nos compatriotes, notamment les jeunes, ces rappels relèvent de la préhistoire et n’ont plus rien à voir dans la situation d’aujourd’hui. Mais en réalité, savons-nous pourquoi tel parent déconseille à son enfant d’épouser une fille de telle région ou de telle communauté ? Le sait-t- il lui-même ? Savons-nous pourquoi les membres de telle ethnie sont, à tort, réputés sournois ou agressifs ? Est-il possible que tous les membres d’une communauté soient des malhonnêtes et peu dignes de confiance ? Savons-nous pourquoi certaines populations ont préféré s’installer au pied de collines et d’autres sur la lagune ? Les explications se trouvent sûrement dans notre histoire. Il nous faut toujours l’interroger pour éclairer notre avenir.
Pour réussir notre palpitante entreprise, nous devons tenir grand compte des expériences des autres peuples sans vouloir les copier. Il nous faut inventer, innover. Les seules justifications de nos actes ne doivent pas être la référence à l’Europe, à l’Amérique, à la Banque mondiale ou au Fonds monétaire international. Quand bien même nous devons écouter nos amis, il nous revient de ne jamais oublier l’originalité de notre parcours et de ce que nous sommes.
Chers amis,
Nous sommes qui ?
Comme l’ensemble de notre société, nous sommes également le produit d’une histoire que nous refusons d’assumer. Sossa Guedèhoungue, alors président des chefs des religions endogènes lors de la visite du Pape Jean-Paul II dans notre pays, a assuré l’illustre visiteur de l’impossibilité d’une guerre de religion au Bénin. Vos fidèles le jour, confia-t-il au Pape, sont nos fidèles la nuit. Ce sont les mêmes. Ils ne peuvent pas se combattre eux-mêmes. Ballotée entre la culture occidentale dominante et les vestiges de nos pratiques ancestrales, l’élite se réfugie souvent dans une imitation grotesque et ridicule. Elle s’y retrouve inconfortable et torturée.
Le parcours de ceux qui ont réussi nous enseigne que nous ne pouvons arriver à rien faire sans revenir à nous-mêmes tout en nous appropriant les valeurs universelles avec discernement, ne pas les avaler sans les mâcher. Tant que notre conscience sera embuée par l’indécision, l’ambigüité, le mimétisme et autres renoncements, il nous sera difficile d’avoir notre propre lecture des principes universels.
Chers amis,
Vous savez que depuis des décennies, nous répétons qu’il nous faut changer de mentalité. Les prières dans les lieux de culte peuvent y contribuer. Elles ne suffisent pas surtout lorsque nous n’en faisons que des séances de récitations. N’attendons pas le jour où nous serons complétement différents de ce que nous étions la veille. Il n’arrivera jamais. C’est donc pour construire patiemment et sûrement ce changement de mentalité, unanimement souhaité, que nous avons retenu, dans notre projet de société et dans nos statuts, des principes devant orienter notre action.
Nous, membres de l’Union Progressiste, nous nous engageons à élever notre conscience citoyenne et patriotique par la formation et par l’exemple, à promouvoir la convivialité par des travaux en équipe, à assurer une gouvernance éthique fondée sur le respect de valeurs afin de rétablir la confiance aussi bien entre les citoyens et l’Etat qu’entre les diverses nationalités, à donner un contenu concret à l’égalité des chances d’ascension sociale par la promotion des plus méritants des membres du Parti, en particulier les jeunes et les femmes, et à prendre des décisions dénuées de toute subjectivité. Voilà ce que le peuple attend de nous pour croire à la rupture et se persuader que cette fois-ci, çà va vraiment changer.
Nous pouvons comprendre les hésitations des sceptiques. Nous entendons et acceptons les critiques des adversaires mais nous ne nous rallierons jamais à l’immobilisme. Parce que nous voulons bâtir une société nouvelle, par le dialogue et la persuasion, rien ne pourra nous arrêter sur le chemin des réformes. Nous voulons nous réformer nous-mêmes, membres de l’Union progressiste par l’apprentissage de nouveaux comportements. Ce sera notre principal atout pour attirer d’autres militants. Nous voulons apprendre à servir, à remonter ceux qui sont en difficulté, à partager l’effort et la récompense, à ouvrir de réelles perspectives à notre jeunesse. Nous voulons combattre la corruption, l’injustice sociale, les brimades, le gaspillage de l’argent public, les braquages et autres formes d’insécurité.
D’expérience, le peuple a entendu chaque responsable politique égrener de telles bonnes intentions. L’histoire contemporaine de notre pays regorge de ressentiments contre les promesses non tenues. Déçus, beaucoup se mettent à magnifier le passé. Ici où seules les oraisons funèbres célèbrent les qualités des citoyens, il n’est guère surprenant que seuls ceux qui ne peuvent plus agir, les morts politiques, soient vénérés avec dévotion. C’est pour rompre ce cycle que nous nous sommes interrogés sur ses causes profondes.
Il est évident que la cause principale est la faiblesse voire l’absence de forces politiques capables de porter les aspirations de ceux qui sont ou se sentent délaissés, d’agir dans la durée de façon cohérente et de prendre les mesures qu’appelle le progrès social. Seuls des groupuscules s’activent dans l’espace politique, à la recherche de leur propre alimentation de survie. Leurs animateurs regardent attentivement l’horizon dans le but de déceler celui qui a des chances de prendre le pouvoir pour s’abriter sous son ombre et ramasser les fruits réservés aux courtisans.
Dans ce schéma, il est peu probable que fleurisse la bonne gouvernance et que la corruption s’essouffle. La réforme du système partisan apparait dès lors comme le remède incontournable pour jeter les bases d’une gestion éthique favorable aux intérêts de la majorité de la population. Bon nombre de responsables politiques le savent mais beaucoup se sont abstenu de l’engager pour ne pas se retrouver devant de véritables partenaires qui les obligent à rendre compte.
C’est donc le lieu de saluer le courage du Président Talon qui, non seulement a pris des engagements lors de la campagne électorale à ce sujet, mais les a respectés avec détermination. Promouvoir soi-même les instruments de contrôle de son action relève d’un patriotisme qui va au-delà des ambitions du moment. C’est du reste la raison principale de notre soutien au Programme d’action du gouvernement parce qu’il s’accompagne des moyens de la pérennisation de ses réalisations.
Avec de grandes formations politiques, notre pays entrera dans l’ère d’une vraie stabilité, celle qui rassure et attire les investisseurs nationaux et étrangers. Lorsque les compétiteurs électoraux et les animateurs de la vie publique sont connus, les risques sont moindres. Lorsque les travailleurs sont organisés en interlocuteurs crédibles, que les ordres professionnels répondent de leurs membres dans l’espace du secteur privé, la stabilité est au rendez-vous. La gouvernance partagée devient une réalité et les abus sont combattus et éliminés.
Aussi voudrions-nous indiquer clairement à la jeunesse que le combat en cours est son combat, celui qui instaure un bon climat des affaires et qui favorise la création d’entreprises. C’est ce combat qui crée des emplois. C’est celui qui relance les activités économiques parce que les clients étrangers reviennent, sans aucune inquiétude, animer nos marchés, notamment Dantokpa.
Quel parti voulons-nous bâtir ?
Notre pays regorge d’énormes potentialités. Ses femmes sont reconnues pour leur ardeur au travail et il suffit de parcourir notre pays pour s’en rendre compte. Le chômage massif de ses jeunes le prive de talents dont il a besoin.
L’Union progressiste veut offrir à tous des possibilités pour s’en sortir. Aujourd’hui soutien responsable du programme d’action du gouvernement, il se prépare à prendre, demain, le pouvoir et à l’exercer pleinement au bénéfice de tous. Il y parviendra parce qu’il compte, dans ses rangs, des cadres qui ont prouvé leur dévouement et leur abnégation par le passé et surtout pendant la préparation de ce congrès. Il y parviendra parce qu’il bénéficie déjà de la confiance de la grande majorité des populations qui, en la circonstance, ont manifesté des gestes de générosité inattendus.
Que reste-t-il à faire, Chers congressistes ?
Il nous revient la responsabilité de mettre en pratique tout ce que nous avons convenu et affirmé dans notre projet de société et dans nos statuts :
Aimer notre peuple et le servir ;
Promouvoir une gouvernance éthique assise sur des valeurs humaines ;
Aider les femmes et les jeunes à sortir de la misère par le travail et la solidarité ;
Œuvrer sans relâche pour le progrès économique et social ;
Privilégier le producteur dans la répartition des revenus ;
Vivre et défendre la démocratie et l’Etat de droit ;
Participer à la renaissance de l’Afrique au profit de ses filles et de ses fils ;
Participer à la coopération internationale.
L’Union progressiste offre à ses membres de réelles possibilités de valorisation pour mieux contribuer au progrès de tous. La Ligue des jeunes progressistes, la Ligue des femmes progressistes, la Ligue des enseignants progressistes, l’association des élus progressistes sont autant de cadre d’échanges et autant d’écoles pour le développement personnel et collectif.
Les modalités de choix des dirigeants du parti confirment notre engagement à prouver nos convictions démocratiques par l’exemple. La Haute Direction du Parti sera élu par tous les militants opérant dans nos structures de base. Les mandats dans les instances seront limités à trois afin de donner à chacun la possibilité de contribuer à la réalisation de nos objectifs. Au-delà, notre Parti prendra les initiatives appropriées pour la limitation de tous les mandats électifs, que ce soit à l’Assemblée nationale ou dans les collectivités locales.
Femmes et jeunes du Bénin ;
Travailleurs salariés et du secteur libéral ;
Acteurs de la production et des transformations sociales ;
Membres de la diaspora
Mes chers amis congressistes.
Une aube nouvelle se lève pour notre pays. Nous avons un nouveau rendez-vous avec l’histoire.
La possibilité nous est offerte de forger l’instrument de la transformation sociale que nous recherchions depuis des années. Il s’appelle l’Union progressiste.
Je vous demande d’être les premiers acteurs de cette aventure féconde. Chaque fois que le doute vous habitera, chantez l’hymne de l’Union progressiste.
Il est grand temps vaillant peuple du Bénin ;
Il est temps, militants progressistes
Il est temps de repartir, puis de rebâtir
Forts de nos combats, fiers de nos héros,
Soyons déterminés !