Par : Chafick FAGBÉMI
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Le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises sous la houlette de Modeste Kérékou a mené plusieurs réformes en quatre ans d’exercice. À l’heure du bilan, le Ministre Kérékou, à la faveur de l’émission « Le temps des moissons » dresse un tableau fort satisfaisant. Revivons ici ce qu’il a dit.
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D’entrée de jeu, qu’est-ce que le Chef de l’Etat vise en créant le Ministère des Petites et Moyennes Entreprises et de la Promotion de l’Emploi dont vous avez aujourd’hui la charge ?
Modeste KÉRÉKOU : Pour faire simple, au lancement du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) le 16 décembre 2016, le Président de la République avait clairement dit que le programme que son Gouvernement allait conduire est basé sur la rupture. La rupture dans tous les secteurs de la vie socio-économique et politique. De mon point de vue, le secteur de l’activité économique est fondamental.
Au lancement du PAG, vous avez su que c’est un Programme qui se caractérise par des investissements massifs dans tous les domaines, chiffré à plus de 9 mille milliards de francs CFA. La partie qui est attendue du secteur privé est à plus de 60%. Quand la vision est claire comme cela, naturellement, il faut mener des politiques qui conduisent ce secteur privé à être suffisamment à l’aise pour jouer sa partition.
Le Ministère dont j’ai la charge a été créé par le Chef de l’Etat à la faveur du remaniement du 27 octobre 2017. En me confiant les rênes de cet important département ministériel, moi-même j’étais quelque peu dubitatif mais le Président de la République a levé toute l’inquiétude qu’il y avait à mon niveau à l’occasion de son adresse sur l’état de la Nation, fin décembre 2017. Il a dit exactement ceci : «La relance de l’activité économique engagée par mon gouvernement mise sur la promotion des petites et moyennes entreprises et l’emploi dont j’ai désormais confié à plein temps la charge à un département ministériel.» J’ai dit bingo ! J’ai ma feuille de route et mon bréviaire et c’est désormais très clair dans mon esprit. Et je dis que c’est en cohérence avec la stratégie et la vision du Gouvernement. Depuis la conférence des forces vives de la Nation, notre pays, le Bénin, a fait l’option du libéralisme économique mais l’Etat a toujours continué de se considérer comme un Etat providence. Il va donner de l’emploi, il va tout faire. Ce n’est plus possible dans les temps modernes face aux enjeux de tous ordres. C’est ce que le Président Patrice TALON, de par son parcours et son expérience, aussi a compris. C’est dire que l’Etat a un rôle catalyseur. L’Etat crée les conditions favorables au développement du secteur privé. C’est le secteur privé qui est créateur de richesses et d’emplois.
Avec ce portefeuille ministériel, qu’est-ce que vous avez pu faire réellement ?
Nous sommes dans la coordination de toutes les initiatives gouvernementales tendant à offrir de meilleures conditions à nous tous. Quand notre département a la charge de la promotion de l’emploi, c’est dire à dessein par le président de la République. C’est pour cela qu’au-delà du département dont nous avons la charge, tous les autres départements concourent aux mêmes fins. L’action gouvernementale est orientée et a une seule finalité ; c’est assainir le climat des affaires, permettre au secteur privé d’être à l’aise et de jouer fondamentalement son rôle. C’est pour cela que toute une batterie de mesures, qu’elles soient législatives, règlementaires ou administratives sont prises. Que ce soit au Ministère de l’Economie et des Finances, de l’ensemble de ses régies, de l’APIEX, de nos agences comme l’ANPE, tout ce que le Gouvernement fait dans toute sa mission concourt à soulager la peine aux créateurs de richesses et aux chercheurs d’emplois. La question d’emplois est traitée de manière holistique. Ce n’est pas seulement la prérogative du département dont j’ai dont la charge mais l’ensemble des actions du Gouvernement concourt à cette fin.
Est-ce qu’on peut avoir une idée de l’état des lieux en 2016 ?
La situation, c’est qu’il y avait pas mal d’initiatives. La question de l’emploi dans tous les pays est une question préoccupante. La question de l’éclosion des initiatives privées est une question assez importante donc tout le monde essaie de la prendre en charge d’une manière ou d’une autre.
Vous pouvez donner acte à notre Gouvernement que cette fois-ci, c’est fait avec plus de cohérence et de méthode. C’est depuis 1990 que nous avons opté pour le libéralisme économique. Mais entre une déclaration d’intention et des actions qui se mènent au quotidien, il y a un gap. Parfois, nous savons dire les choses sur papier mais les actions concrètes et pertinentes ne suivent pas. Aujourd’hui, tout un ensemble de mesures sont prises quotidiennement pour permettre au secteur privé d’être au rendez-vous et de jouer sa partition. Je veux parler des lois votées sur l’embauche, des réformes engagées dans le domaine foncier, dans le domaine fiscal, dans le domaine de la création de l’emploi, dans le domaine de la simplification des impôts et autres taxes à payer, dans le domaine du partenariat public-privé. Tout est fait au quotidien pour faciliter la vie aux entrepreneurs nationaux et étrangers pour qu’ils soient à l’aise à jouer leur rôle. Tout est fait pour accroître l’attractivité de notre pays et vous avez vu les gains de points que nous avons faits dans le classement Doing business. Vous avez vu les différentes notations des agences qui ont référence en la matière et qui apprécient les mesures, les politiques publiques conduites sous le leadership du Président Patrice TALON. Avant, notre pays n’avait pas ce positionnement. C’est tout ça qui concourt à l’attractivité de notre pays parce que, s’il y a quelque chose à ne pas perdre de vue, c’est que nous sommes dans un environnement concurrentiel avec les autres pays de la sous-région. Un investisseur, même un Béninois, peut aller investir dans un autre pays s’il trouve que les conditions lui sont meilleures là-bas. Quelqu’un ne viendra pas investir dans notre pays juste parce qu’on s’appelle le Bénin. Pas du tout !
Parlant de cette attractivité, pouvez-vous nous parler de ces réformes structurelles qui ont permis aux PME de créer la richesse ?
Aujourd’hui, il y a par exemple la loi qui a été votée sur la procédure d’embauche et de résiliation. Cela n’a l’air de rien du tout mais un investisseur sérieux quand il décide d’aller dans un pays, ce que nous appelons l’investissement direct étranger, ce sont des choses qu’il regarde à la loupe. Il regarde toutes les conditions qui sont disponibles dans le pays et qui peuvent l’attirer. La mise en service du tribunal de commerce et son opérationnalisation est une mesure importante. La disponibilité de l’énergie en quantité et en qualité est un élément non négligeable. Je ne veux pas vous rappeler quelques périodes difficiles que nous avons connues par le passé et qui ne pouvaient pas concourir à l’installation d’entreprises d’une certaine facture. Aujourd’hui, grâce aux efforts de l’APIEX, il est facile de créer son entreprise en moins d’une heure ou deux heures de temps. Tout a été dématérialisé.
Les efforts, c’est un processus et je pense que nous sommes sur la bonne trajectoire. Les structures autorisées le disent. L’ensemble de ces mesures donnent une visibilité et une clarté à ceux qui sont intéressés, qui veulent vraiment investir et développer leurs affaires.
Je ne vous parle pas des questions sécuritaires. La sécurité est quelque chose dont on ne se rend compte que lorsqu’elle est menacée. Quand tout est normal, on voit que cela va de soi. La sécurité et la sérénité dans lesquelles nous sommes aujourd’hui, c’est toujours dans la stratégie du Chef de l’Etat d’offrir les conditions favorables à notre pays.
Monsieur le Ministre, vous avez mis un point d’honneur sur la sécurité de l’emploi mais on a l’impression que le code de l’emploi au Bénin est plutôt bénéfique à la promotion qu’à la sécurité de l’emploi. Avez-vous cette même lecture ?
Pas du tout ! C’est une vue de l’esprit. A la prise de cette loi, nous avons eu des retours de ce genre d’impression. La première ressource d’une entreprise, d’un pays ou de toute organisation, c’est l’homme. Dire que parce que le code a dit que pour se séparer d’un collaborateur, on pourrait le faire et n’avoir à lui payer qu’à peu près 9 mois de salaire, que cela pourrait induire une insécurité dans le travail ? C’est la première réflexion qui, je m’excuse de le dire, n’a pas poussé très loin. Aucun chef d’entreprise ne veut se séparer d’une ressource de qualité. La ressource a un coût. Dans sa vie professionnelle, on peut passer de plusieurs entreprises, des plus petites aux plus grandes et plus performantes, en conséquence en améliorant son revenu. Si vous-même vous savez qu’il y a une possibilité qui est donnée à votre employeur et que vous êtes performant, vous faites la preuve de votre compétence ; jamais il ne se séparera de vous. Sauf cas de force majeure, bien sûr.
Moi, je suis du secteur privé. C’est dans l’administration publique que quand on vient, l’on a 30 ans à faire. Dans le secteur privé, on est challengé et il faut montrer sa qualité. Nous, jeunes béninois, devons aussi comprendre qu’on ne rentre pas dans une entreprise privée et même dans l’administration publique pour forcément faire 30 ans et aller à la retraite. Même quand il n’y avait pas cette loi, lorsque les activités d’une entreprise ne prospèrent plus, elle n’attendait pas cette loi avant de licencier. Dire que cette loi introduit une quelconque forme d’insécurité du travail, je dis non. Bien au contraire. C’est elle qui a permis que des grands groupes que nous n’avons jamais vus dans le pays commencent à s’installer et recruter des jeunes parce qu’ils savent qu’en cas de tension sur le marché, la loi sécurise leurs investissements et leur permet de se séparer ponctuellement de quelques collaborateurs. L’emploi ne se décrète pas. Ce n’est pas une variable immuable. L’emploi est la résultante d’un certain nombre de variables sur le marché du travail.
Mais 9 mois, ce n’est pas trop pour demander à quelqu’un d’attendre d’abord ?
C’est d’ailleurs pourquoi les travailleurs des entreprises doivent considérer comme s’il s’agit de leurs propres affaires, comme si leur vie et avenir en dépendent. Dans certaines entreprises, des gens, se considèrent comme s’ils n’en ont rien à foutre à partir du moment où ils ne savent pas d’où vous avez réuni votre capital. Des entreprises ont eu des difficultés parfois à cause de la négligence et de la légèreté des collaborateurs. Ça aussi, il faut le dire. Les entrepreneurs qui prennent des risques ont quand même besoin d’être sécurisés. C’est parce que parfois, à défaut du promoteur lui-même, les collaborateurs qu’il associe à diriger son entreprise ne font pas preuve de professionnalisme, de rigueur et de la méthode qu’il faut. Ceux qui gèrent avec parcimonie, perspicacité et efficacité, forcément leurs entreprises prospèrent. Et à titre individuel, tout collaborateur qui montre sa loyauté, sa compétence et sa disponibilité au service de l’entreprise ou l’organisation qui l’emploie, je peux vous dire qu’il a zéro pour cent de chance de se faire licencier. C’est une évidence. Ce qui n’est pas le cas de ceux qui paressent dans une entreprise privée comme dans une administration publique.
C’est possible que parfois, sur un coup d’humeur, le chef d’entreprise renvoie un collaborateur parce qu’il ne l’aime plus.
Si c’est une ressource humaine de qualité, ce faisant, lui-même met son entreprise en péril. Une entreprise, ce n’est pas seulement le nom encore moins le logo. Une entreprise prospère à cause du dynamisme, du talent et de la compétence des employés. Aucun chef d’entreprise sérieux ne peut se séparer d’un collaborateur sur une saute d’humeur. C’est des vues de l’esprit.
Le temps des moissons, c’est également 126 unités de transformation de matières premières. Le constat est qu’il y a la mise en place d’un projet de promotion de ces PME. Parlez-nous-en.
Vous faites allusion là à deux importants programmes que notre département ministériel met en œuvre.
Le premier avec l’accompagnement de l’USADF, la Fondation des Etats-Unis pour le développement en Afrique. Quand on parle de l’emploi, il n’est pas qu’urbain, il y a aussi l’emploi en milieu rural. Le Gouvernement du Président Patrice TALON a souhaité que nous puissions accompagner aussi les coopératives et groupements, souvent dans la formation, dans les appuis en équipements, pour leur permettre d’augmenter leurs capacités de production, de mieux vendre et d’accroître leurs revenus et donc de contribuer à un meilleur niveau de vie à leur niveau. Avec l’USADF, ce que nous faisons dans à peu près une cinquantaine de communes et bientôt, nous allons l’élargir à d’autres communes et in fine, couvrir les 77 communes de notre pays, c’est d’accompagner ces groupements et coopératives et de les formaliser. Elles opèrent souvent dans les chaines de valeur d’un certain nombre de spéculations comme le maïs, le manioc, le fonio, l’ananas… Donc, ces groupements qui sont souvent composés d’une centaine de femmes et de jeunes sont appuyés avec des formateurs qui sont mis à leur disposition. Des infrastructures sont construites avec leur collaboration à leur profit pour le stockage, pour la vente ; des instruments de pesage sont mis à leur disposition.
La dernière fois, nous étions à Kpomassè pour remettre un important lot d’équipements et de matériels avec le Coordonnateur de l’USADF ici au Bénin pour plus d’une centaine de millions de francs CFA. Dans quelques jours, je dois être à Djakotomey pour le même exercice et ce sont des choses qui permettent d’occuper les jeunes et les femmes dans nos communes un peu éloignées de la capitale de notre pays et des centres villes car ils ont aussi besoin d’emploi, de gagner leur vie.
Parlant de cette action à Kpomassè où des femmes réunies en coopérative ont bénéficié de l’appui du Gouvernement. Qu’en est-il dans les autres communes ?
Ce type d’action qui rentre dans notre partenariat avec l’USADF est l’une des actions qui apportent un soutien décisif aux groupements et aux coopératives de femmes qui en bénéficient dans plus d’une cinquantaine de nos communes.
J’ai souhaité aller à Kpomassè moi-même, parce qu’il y a d’autres remises de ce type qui se font où je ne me déplace pas forcément, pour saluer le leadership de ces femmes qui font la transformation du manioc en gari amélioré, en tapioca et autres choses, et qui les conditionnent très bien. C’est important que le gouvernement puisse apporter son soutien à ces groupements de femmes sur l’ensemble du territoire national. Toutes choses qui contribuent à créer des milliers d’emplois.
Il n’y a pas que l’emploi dans l’administration et les grandes compagnies à Cotonou. Il y a aussi l’emploi en milieu rural et c’est une instruction qui a été fortement donnée par le Chef de l’Etat afin que nous puissions accompagner ces groupements. A Kpomassè, c’est une ONG et la Fondation américaine qui gèrent de manière indépendante, totalement dépolitisée.
Nous lançons des appels à projets, les groupements se manifestent et c’est la fondation américaine elle-même qui sélectionne et finance. Les fonds sont totalement gérés par la partie américaine qui donne 500 millions de francs CFA, le Gouvernement du Bénin aussi donne 500 millions de francs CFA, donc nous avons un budget d’un milliard l’année pour exclusivement assurer le financement des groupements et coopératives et promouvoir l’emploi des femmes et des jeunes en zone rurale.
Est-ce que ce montant n’est pas insignifiant ?
C’est déjà un début. Avant 2016, c’était à 250 millions et le Gouvernement a décidé de le porter à 500 millions sur la période de 5 ans. Au terme de cette période, le partenariat sera réexaminé et en son temps, le Gouvernement pourra aviser. Mais avec cette cagnotte, je peux vous dire que le travail qui se fait est excellent.
Dans la promotion des petites et moyennes entreprises, quelles sont les projections d’ici à 2021 ?
Je vous ai dit qu’en optant pour le libéralisme économique, notre pays, depuis 1990, a fait le choix que c’est le secteur privé, créateur de richesses et d’emplois, qui doit être à l’avant-garde de la croissance. Par rapport à cette vision, le Gouvernement, depuis 4 ans, s’emploie vraiment à jouer sa partition. Nous sortons totalement de la mentalité de tous l’idée d’un Etat providence où c’est l’Etat qui doit tout faire. Aujourd’hui, le Gouvernement joue son rôle de catalyseur. Il assainit le milieu des affaires. Il rend le secteur attractif pour permettre l’éclosion des initiatives privées. Jusqu’à l’horizon 2021, ce sont les réformes qui vont se poursuivre.
L’Assemblée Nationale a voté, le 29 janvier 2020, une loi à l’initiative du Gouvernement pour la promotion et le développement des petites et moyennes entreprises. Cette loi est presque comme une mini révolution parce qu’elle introduit, pour la première fois, des aspects très forts. Elle marque la ferme volonté du Gouvernement à accompagner les petites et moyennes entreprises. Aux termes de cette loi, les petites et moyennes entreprises au Bénin sont désormais des entreprises qui font un chiffre d’affaires hors taxe inférieur ou égal à 2 milliards par an. La clarification a été très nette que ce soit pour l’administration fiscale et pour les agences ayant vocation à soutenir les PME. Avant, il y avait quelques difficultés de clarification. Beaucoup de PME sont dans les marchés publics et nombre d’elles ont des difficultés ; d’autres viennent à en mourir parce qu’elles ont des retards d’impayés sur des mois voire des années sur des prestations pourtant faites. Seulement, les charges et les obligations des PME n’attendent pas. Mais l’article 14 de cette nouvelle loi, fait obligation à l’administration publique d’avoir à payer au plus tard dans les 60 jours calendaires à la date de l’ordonnancement, toute entreprise qui a presté pour elle dans les règles de l’art. Il faut avoir une entreprise, avoir connu certaines difficultés pour mieux comprendre cette avancée prodigieuse.
L’Etat a également prévu les mécanismes d’accompagnement des micro, petites et moyennes entreprises. Le vrai besoin des PME, de mon point de vue et à la lumière de notre petite expérience, c’est la formation mais on met d’abord devant les moyens. Nous sommes en train d’inverser la pyramide. Les moyens viendront en dernier. Il faut d’abord être sûr qu’on a formé, on a accompagné les dirigeants parfois même à avoir une comptabilité, à connaitre les mesures législatives, les mesures fiscales, les avantages qui peuvent être saisis par ces entreprises. Parfois les chefs d’entreprises eux-mêmes n’ont pas la bonne information à plus forte raison les collaborateurs. Toutes les agences de l’Etat telles que l’ANPME, l’APIEX et Semè City sont dans la sensibilisation au quotidien et délivrent des modules de formation.
À côté de ça, nous avons des mécanismes pertinents qui accompagnent les entreprises au financement bancaire. L’Etat, à travers ses agences, aide les entreprises à leur demande, à cette fin. L’Etat ne finance plus comme on le voyait par le passé. Ce n’est pas le rôle de l’Etat mais l’Etat crée les conditions incitatives. Vous serez surpris si je vous dis que les banques sont en surliquidité. Le vrai problème, c’est que les banques ne savent pas lire les informations financières et comptables des PME. Certaines PME n’ont pas les informations recherchées par les banques. Par exemple, vous rentrez dans une entreprise, le promoteur gère, son affaire prospère mais vous ne pouvez pas lui demander un registre de paie, une comptabilité encore moins un bilan. Il estime qu’il n’en a pas besoin parce que son entreprise marche bien. En conséquence, le jour où vous aurez besoin de plus de ressources pour investir afin d’accroître vos capacités, vous ne pouvez pas solliciter une banque parce le banquier a besoin d’une lisibilité, il a besoin de connaitre votre historique. Les machines normalisées que la direction générale des impôts vient d’introduire, c’est l’une des réformes qui peut servir à connaître le chiffre d’affaires qu’il soit journalier, hebdomadaire, mensuel… Puisque, des gérants notent dans des cahiers mais parfois oublient. Des gérants peuvent ne pas être fidèles avec le promoteur car il peut vendre et ne pas le déclarer.
L’emploi est un volet clé de votre département ministériel. Il y a eu récemment une foire de recrutement d’agents conjointement organisée par le Bénin à travers l’ANPE et l’Ambassade de Chine près le Bénin au profit des entreprises chinoises résidant et impliquées dans l’exécution des grands travaux du Programme d’Actions du Gouvernement. De quoi retourne cette action ?
Il est bon à faire savoir, cette activité conduite de main de maître par la Direction Générale de l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi (ANPE). Il s’agissait d’une vingtaine d’entreprises chinoises conduisant d’importants projets infrastructurels dans notre pays qui se sont manifestées auprès de cette Agence gouvernementale afin d’aider à entrer en relation avec la main d’œuvre qualifiée. L’ANPE a monté ce vaste salon d’entretien direct d’embauche sans aucune recommandation et sans aucun parrainage quelconque. Les entreprises sont venues et ont installé leurs stands et les jeunes qui avaient candidaté sur les plateformes de l’ANPE sont venus et ont été, chacun, reçus en entretien sur la base de leur diplôme.
De cette activité, on retient une grande leçon déjà prise en compte par le Chef de l’Etat depuis plusieurs mois. C’est que nous n’avons pas pu offrir, à cette vingtaine d’entreprises chinoises, toutes les compétences requises. Quand on cherche des gens qui savent conduire certains engins spécifiques, nous n’en avons pas trouvé. Nous avons plus de 8 mille jeunes qui se sont présentés mais nous n’avons pas pu recruter les 964 agents désirés parce que les profils venus en compétition n’étaient pas en conformité avec les profils recherchés. D’où l’orientation du Chef de l’Etat, depuis plusieurs mois, à inverser le modèle de formation dans notre pays. Vous avez vu récemment, le Gouvernement a adopté une nouvelle Stratégie nationale pour la relance de l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP). Nous avons beaucoup de diplômés de l’enseignement général des filières classiques mais ce n’est pas ce que recherche le secteur privé. Je ne le dis pas par mépris ou par dédain. Non. Nous sommes donc dans une dichotomie entre l’offre et la demande. Dès lors, il est du rôle de l’Etat d’inverser rapidement la tendance pour que nous puissions former désormais de la main d’œuvre qualifiée aux recruteurs. Si l’offre de compétences et l’offre de travail ne se rencontrent pas, ça va être difficile. Mais je peux vous assurer que ce sont des préoccupations déjà prises en charge, par ailleurs, par le Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et l’ensemble du Gouvernement parce que la question de l’emploi reste et demeure fondamentale.
Le Gouvernement de la Rupture a fait l’option de traiter cette question d’emploi de manière holistique. A travers toutes les interventions que tous les départements ministériels conduisent, il faut savoir que la finalité, c’est d’offrir des emplois décents aux jeunes. Pour preuve, le Gouvernement a adopté en Conseil des Ministres, il y a quelques semaines, la nouvelle Politique nationale de l’emploi qui rappelle tous les fondamentaux dont je viens de vous parler. C’est pour vous dire que l’emploi n’est plus traité comme une donnée ex nihilo mais comme une résultante de l’ensemble des mesures pertinentes prises sur le marché du travail et dans le monde des affaires pour que l’emploi soit disponible aux jeunes et pour que d’ici à 2025, comme le postule la nouvelle politique de l’emploi, la majorité des jeunes en quête de travail puisse trouver un emploi décent qui leur procure de revenus et un bien-être.
Vous avez aussi développé un nouveau programme de volontariat. En quoi cela consiste concrètement ?
C’est toujours pour offrir plus de chance aux jeunes. Quand un jeune scolarisé et diplômé finit sa formation et est en attente d’un emploi décent, l’Office Béninois des Services de Volontariat des Jeunes lui offre, à travers des programmes spécifiques, l’opportunité d’avoir une immersion en milieu professionnelle et de travailler. Parfois, certains jeunes qui sont envoyés comme des volontaires et ayant fait preuve de leurs compétences et de dévouement que ce soit dans l’administration publique ou dans les sociétés privées, se voient proposer des contrats. Même si ce n’est pas le cas, le jeune ayant eu l’opportunité d’être dans le milieu professionnel a un gain d’aptitude, de confiance et sait mieux se vendre. Le nouveau programme de volontariat est un programme qui va nous permettre de beaucoup plus accroître l’employabilité des jeunes. C’est sans compter avec le Programme spécial d’insertion dans l’emploi, une initiative présidentielle très importante. C’est le Président de la République lui-même, qui, lors de son adresse à la Nation, à la veille de la célébration du 59ème anniversaire de la fête nationale le 31 juillet 2019, a annoncé que l’Etat, chaque année, va recruter 2000 jeunes à sa charge qu’il va mettre essentiellement dans le secteur privé productif où l’Etat va prendre en charge leur rémunération et tous les accessoires qui vont avec parce que nous avons fait le constat que certaines sociétés ont parfois des besoins de renforcement de leurs équipes mais sont un peu frileuses parce qu’elles n’ont pas les moyens qu’il faut. Le Gouvernement veut leur donner un coup de pouce. Ce programme sera exécuté sous le leadership de l’ANPE. Là encore, il faudra que nous puissions trouver les compétences recherchées par les entreprises parce que ce n’est pas à l’ANPE de fixer un nombre de jeunes compétents à envoyer dans telle ou telle entreprise mais plutôt le Chef d’entreprise, et les critères sont bien définis. Prenons l’exemple sur l’ORTB ; la Direction Générale peut exprimer ses besoins en termes d’un machiniste, d’un preneur de son, d’un réalisateur, d’un cadreur, d’un infographe… des métiers spécifiques. On ne dit pas qu’on veut un diplômé, non. Nous faisons la différence entre un professionnel d’un métier et un diplômé.
Au niveau de l’artisanat, quelles sont les réalisations majeures ?
Le Président de la République dans le PAG a dit que le secteur de l’artisanat est un secteur important, et c’est vrai. C’est le deuxième corps social pourvoyeur d’emplois après le secteur agricole dans un pays comme le nôtre. Une profonde réforme conduite avec les artisans eux-mêmes est en cours au niveau de l’artisanat. L’artisanat est l’un des secteurs les mieux structurés dans notre pays et la plupart des artisans sont informés des initiatives prises à travers leurs deux faîtières : la Confédération Nationale des Artisans du Bénin, une faîtière de droit privé et l’Union des Chambres Interdépartementales des Métiers qui est l’institution publique du secteur de l’artisanat.
Si je prends, par exemple, l’important programme ARCH avec le volet assurance maladie dont la phase pilote a démarré dans plus d’une dizaine de communes de notre pays, c’est la plupart des artisans (artisans de survie, artisans émergents et artisans structurés) qui sont concernés. ARCH- Formation va démarrer bientôt pour permettre à nos artisans d’avoir une montée en compétence et de faire des produits de qualité qui peuvent être mieux vendus que ce soit au plan national, régional ou international. Et pour parfaire cette importante réforme, bientôt une loi va être prise pour que nous ayons une vraie institution consulaire du secteur de l’artisanat, la Chambre des Métiers de l’Artisanat du Bénin. Un peu comme ce que la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin (CCIB) est pour le secteur commerce et industrie, on aura la CMA- Bénin qui sera dotée de moyens conséquents et de ressources humaines de qualité pour que le secteur de l’artisanat ait une meilleure représentativité pour défendre ses intérêts devant les pouvoirs publics. J’ai envie de dire que les artisans sont le chouchou du Gouvernement de la Rupture.
Est-ce que le recensement qui a eu lieu pour connaître le nombre d’artisans entre dans cette dynamique ?
C’est le point de départ et la clé de voûte de toute la stratégie de réforme importante qui est menée pour le secteur de l’artisanat. Il fallait dénombrer de manière précise. Je profite au passage pour saluer les artisans du Bénin pour leur contribution à la réussite de ce recensement et leur dire de rester mobilisés pour la suite de la réforme qui doit prendre fin avec l’élection et l’installation des nouveaux élus de la Chambre des métiers du secteur de l’artisanat qui auront à prendre le relais et à conduire tout le reste du processus pour le bien du secteur de l’artisanat. L’artisanat contribue à plus de 13% à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB). Le souhait du gouvernement est de doubler d’ici quelques années cette contribution. Pour ce faire, il faut mieux organiser le secteur, accompagner les artisans, les doter d’équipements, d’appuis et de formation comme il le faut. C’est ce à quoi nous travaillons.
Monsieur le Ministre, nous sommes à la fin de cet entretien. Vous avez certainement un message à délivrer non seulement aux acteurs des PME mais également aux artisans.
Je voudrais profiter de cette tribune que vous m’offrez pour dire à tous les jeunes béninois que, désormais, ils peuvent savoir que le secteur privé est un secteur créateur de richesses et d’emplois. Le Gouvernement y déploie un certain nombre de réformes pour faciliter l’installation et la création d’entreprises et faire en sorte que les entrepreneurs puissent prospérer dans le pays. Notre option de libéralisme économique faite depuis 1990 fait que l’ère de l’Etat providence est terminée. Aujourd’hui, il s’agit de la prise d’initiatives, de l’audace, de l’envie d’être utile à sa communauté, à soi-même et à d’autres jeunes. Pour tout cela, le Gouvernement de la Rupture joue sa partition en créant un cadre incitatif. Toutes les réformes et tous les investissements qui sont faits dans le numérique, les infrastructures, l’eau, l’énergie… n’ont qu’une finalité aux cotés des emplois que l’Etat va créer pour le fonctionnement de ses services régaliens : que l’initiative privée puisse éclore dans notre pays, que notre pays accroisse son attractivité pour que les entrepreneurs nationaux puisse s’épanouir, que les investisseurs étrangers puissent venir s’établir en trouvant les ressources humaines de qualité et bien motivées. Ce n’est que comme cela que nous pouvons vaincre la question du chômage et du sous-emploi des jeunes.
Je voudrais appeler tous les jeunes à plus de détermination, d’envie et à être en vigilance sur l’environnement pour pouvoir saisir les opportunités qui se présenteront. Il y aura davantage d’opportunités de semaine en semaine, de mois en mois mais aujourd’hui, nous sommes à l’ère de la Rupture et c’est la rupture avec toutes les pratiques qui n’étaient pas forcément recommandables.