Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes meurent d’insuffisance rénale ce qui est très inquiétant. Il y a quelques années, cette maladie sévissait le plus du côté des personnes âgées. Quels sont les facteurs de risque de cette pathologie, comment vivre et se maintenir pour ne pas faire face à cette maladie dont le nom fait souvent penser à la mort. Dans cette entre-vue, le Docteur Moustanir ABOGOURIN, médecin généraliste et aspirant à la spécialisation en Néphrologie, nous dit tout ce qu’il est important de savoir sur l’insuffisance rénale.
Qu’est-ce que l’Insuffisance Rénale ?
L’insuffisance rénale est une altération de la fonction rénale. Elle peut s’installer de façon progressive et est dans ce cas irréversible (l’Insuffisance Rénale Chronique) ou elle peut apparaître de façon brutale et le plus souvent est réversible dans ce cas (l’Insuffisance Rénale aigue). C’est donc de deux maladies qu’il s’agit l’une différente de l’autre, ce n’est que la perte des fonctions du rein qui leur est commune.
Pour mieux comprendre il faut déjà savoir que le rein est un organe très précieux pour le maintien de l’équilibre de l’organisme. Le rein intervient dans
l’élimination des déchets de l’organisme par la formation des urines. C’est la fonction rénale la plus connue, mais le rein intervient aussi dans plusieurs autres mécanismes de régulation des paramètres de l’organisme afin de
maintenir l’équilibre et le bien-être. On peut citer la régulation des volumes de liquide et des ions, la régulation de l’équilibre acido-basique, la régulation de la pression artérielle, la production normale des globules rouges. En gros pour qu’on ne soit pas plus gorgé ou bouffi d’eau qu’il n’en faut, pour que
le milieu intérieur ne soit pas plus acide ou basique que normalement et pour
que le souffle de vie puisse toujours circuler, on le doit en partie aux reins. Maintenant, il est plus aisé de comprendre que les maladies avec altération de la fonction rénale sont très dangereuses parce que cela ressemble plutôt à une mort silencieuse.
Quels sont les facteurs de risque de cette pathologie ?
Pendant longtemps, la maladie rénale chronique était la maladie des sujets très âgés. Mais de plus en plus, on assiste à un rajeunissement de la maladie rénale chronique devant le grand changement de mode de vie et des habitudes exposant à d’autres maladies chroniques comme le diabète de type 2 et l’hypertension. Il faut déjà savoir que la présence d’un diabète, une surcharge pondérale, une obésité, la sédentarité et l’hypertension artérielle
sont des évènements de santé qui augmentent la malchance d’avoir une
maladie rénale chronique très vite et surtout lorsque ces situations ne sont pas dépistées et prises en charge tôt. Aussi faudrait-il le dire, le rein est un organe très sensible et donc plusieurs substances et même des médicaments sont toxiques ou détruisent le rein lentement. Les médicaments AINS (ibuprofène, diclofénac) et les antibiotiques aminosides (gentamicine) sont réputés pour être très délétères pour les reins lorsque leur usage n’est
pas cadré comme dans le cadre de l’automédication. C’est le moment de décourager l’automédication car cela peut ressembler à prendre des armes contre ses propres reins.
Certains produits de phytothérapie également sont très toxiques pour les reins ; il vaut mieux éviter une substance dont l’analyse des composants et l’impact sur le rein n’est pas connu, même si cette substance est présentée comme étant un remède.
Quelle hygiène de vie doit-on avoir pour éviter de faire face à la maladie rénale ?
C’est la solution. Parce qu’il vaut mieux prévenir, c’est-à-dire agir avant, pour ne pas être malade. Cela passe par l’acquisition et la pérennisation de saines habitudes : une hygiène de vie. Prévenir les maladies rénales repose sur les conseils suivants : Boire beaucoup d’eau dans la journée. S’hydrater est très bénéfique pour le rein parce que cela facilite l’élimination des déchets. Manger peu salé, peu sucré et peu gras. L’excès de sel augmente la tension artérielle or l’hypertension est mauvaise pour les reins. L’excès de sucre et des matières grasses est mauvais parce que cela contribue à détruire les tuyaux de l’organisme qu’on appelle encore les vaisseaux sanguins. Les problèmes des tuyaux ont des conséquences très néfastes sur les reins. Faire de l’activité physique régulièrement est très bénéfique pour les reins parce que cela permet de lutter contre la survenue des facteurs de risque des maladies rénales. Eviter l’utilisation anarchique et non contrôlée de produits de phytothérapie. Eviter l’automédication et prendre l’habitude de consulter au moindre symptôme.
Quels sont les signes qui peuvent alerter par rapport à l’insuffisance rénale et pousser l’individu à consulter ?
La difficulté des maladies rénales est qu’elles peuvent évoluer parfois sans que le malade ne s’en rende compte. Cependant, quand on fait attention on peut consulter tôt un médecin devant des signes comme : L’aspect des urines : les urines sont une mine d’information pour le néphrologue. La couleur normale des urines est jaune paille, les urines peuvent paraître très concentrée, jaune foncée quand le sujet boit moins, les urines peuvent devenir aussi très claires quand on boit trop. Mais quand les urines deviennent rouges ; couleur coca-cola et d’autres couleurs ça doit inquiéter. Le volume d’urine émise est un élément aussi qui peut renseigner sur les maladies rénales. La bouffissure du visage ou les extrémités des pieds ou des mains qui deviennent très gorgées de liquide peuvent refléter une maladie. D’autres signes pas très spécifiques également peuvent cacher une maladie rénale. C’est l’exemple de signes recherchés par des analyses lors des dépistages systématiques à l’école comme en milieu de travail.
L’insuffisance rénale peut-elle être traitée et guérie totalement avant l’étape de dialyse ?
Ici il est important de nuancer. Oui. L’insuffisance rénale aigue bien traitée peut ne pas aboutir à la dialyse parce que là, la perte de la fonction rénale est très souvent réversible donc le malade peut retrouver sa fonction rénale. Par contre dans l’insuffisance Rénale chronique où l’altération de la fonction rénale s’est installée progressivement, l’objectif du traitement est d’abord et avant tout d’arrêter l’évolution de la maladie vers d’autres stades dont le stade terminal qui nécessitera la dialyse.
En quoi consiste une dialyse ?
La dialyse est une alternative, une solution dans le traitement de la maladie rénale terminale qui consiste à aider l’organisme à remplacer certaines fonctions du rein malade. C’est une technique d’épuration autrement que par le rein. Il existe deux techniques: l’hémodialyse et la dialyse péritonéale qui sont différentes mais restaurent la fonction d’épuration.
Avez-vous des conseils à donner aux jeunes ?
Sport, boire beaucoup et éviter les potions de tisane tous azimuts pour différents effets recherchés ; consulter un spécialiste est toujours mieux.
Que doit faire un diabétique pour ne pas faire face à l’insuffisance rénale ?
Se faire suivre pour le traitement du diabète par un professionnel de santé endocrinologue, diabétologue, néphrologue notamment en respectant ses rendez-vous de consultation de suivi et la réalisation du bilan ; une observance notamment dans la prise de ses médicaments et surtout dans les mesures hygiéno-diététiques, l’éducation pour comprendre sa maladie parce que un diabétique qui comprend la maladie suit mieux les conseils du médecin. Tout cela ralentira la progression du diabète vers la néphropathie diabétique.
Qu’arrive-t-il au patient lorsque sa fonction rénale est totalement altérée ?
Sinon en gros, lorsque la fonction rénale est totalement altérée et qu’il faut la suppléer, les possibilités actuellement c’est l’hémodialyse, la dialyse péritonéale et la transplantation rénale.
L’hémodialyse et la dialyse se réalisent au Bénin. La transplantation rénale n’est pas encore accessible aux patients sous nos cieux. À la différence des 2 premières alternatives c’est que le patient à un nouveau rein et donc toutes les fonctions du rein redeviennent possibles. La transplantation rénale nécessite un plateau technique et des structures pas encore disponibles mais qui se mettent progressivement en place au pays.
Merci beaucoup Docteur Moustanir ABOGOURIN, médecin généraliste et aspirant à la spécialisation en Néphrologie.
Entrevue réalisée par : Karimath Foumilayo LAWANI, Chroniqueuse santé et éducation.
Présidente de l’ONG Eduquons Autrement.