La fête du Travail revêt une signification toute particulière dans le continent africain. Elle nous permet à la fois de célébrer les avancées historiques de nos travailleurs et de rappeler le chemin qu’il nous reste à parcourir.
Dans de nombreux pays africains, les syndicats ont joué un rôle crucial dans les luttes anticoloniales et anti-apartheid, incarnant la résistance à l’oppression et soulignant la quête constante de justice économique et sociale.
Cette journée nous rappelle, une fois de plus, l’importance de travailler ensemble pour surmonter les nombreuses crises auxquelles nous sommes confrontés. En tant que directrice régionale de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour l’Afrique, je constate quotidiennement l’impact de ces immenses défis sur nos économies, nos sociétés et nos concitoyens.
Les retombées persistantes de la pandémie de COVID-19, la résurgence des conflits, la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants, ainsi que les conséquences croissantes du changement climatique mettent à rude épreuve la résilience de l’Afrique comme jamais auparavant.
Plus de 80 % des emplois sur notre continent sont informels, laissant les individus sans sécurité ni stabilité. Plus de 1,2 milliard d’Africains ne bénéficient même pas d’une seule prestation de protection sociale. Encore plus préoccupant, un nombre excessif de jeunes voient dans la migration leur unique espoir. Alors que la moitié de notre population a moins de 19 ans, cette réalité nous rappelle qu’il est urgent de changer et d’agir.
À l’OIT, nous croyons fermement qu’un avenir meilleur commence par le travail décent et la justice sociale. En 2019, les 54 États membres africains de l’OIT ont convenu d’un plan d’action collectif pour atteindre cet objectif, énoncé dans la Déclaration d’Abidjan.
L’objectif de cette déclaration est double : favoriser l’emploi digne pour tous, notamment les jeunes femmes et hommes, et surmonter les obstacles au développement en renforçant l’éducation et en exploitant la technologie. Elle met également l’accent sur la transformation des importantes économies informelles et rurales de l’Afrique en les intégrant plus efficacement dans l’économie générale, tout en offrant des conditions équitables à leurs travailleurs.
La déclaration reconnaît également l’importance des entreprises qui, en fournissant des emplois et en soutenant la résilience des communautés, constituent le fondement d’économies saines et fortes. Elle propose de faciliter la croissance des entreprises pour protéger l’environnement et encourager le dialogue social entre les travailleurs, les employeurs et les gouvernements afin d’élaborer de bonnes politiques. Elle met aussi en avant l’importance de développer la protection sociale et de renforcer le respect des normes internationales du travail pour préserver l’égalité entre les genres, la sécurité des travailleurs et d’autres droits fondamentaux.
L’OIT a pris l’engagement de soutenir les gouvernements, les travailleurs et les employeurs africains pour concrétiser cette vision transformatrice. Ensemble, nous œuvrons sans relâche à la construction d’une Afrique équitable et résiliente.
Cette vision est incarnée par la Coalition mondiale pour la justice sociale. La Coalition, lancée cette année, réunit plus de 200 partenaires, y compris des gouvernements, des organisations d’employeurs et de travailleurs, des institutions internationales, des entreprises, des organisations non gouvernementales et des universités. Cette initiative n’est pas une simple plateforme de discussion ; elle veut être un vrai moteur de changement, plaidant pour que la justice sociale devienne le fondement des décisions politiques à travers le monde.
Étendre la justice sociale et le travail décent à travers toute l’Afrique n’est pas seulement une obligation morale, c’est également la manière la plus pragmatique et efficace d’atteindre la prospérité et la stabilité à long terme. Les crises que nous rencontrons peuvent aussi nous aider à façonner notre continent pour le mieux. Les enjeux sont importants, les besoins urgents, mais en travaillant ensemble nous pouvons relever le défi.
L’Organisation internationale du Travail sera heureuse de soutenir ses membres dans cette transformation. La voie à suivre est claire, il est temps d’agir.
Fanfan Rwanyindo Kayirangwa, Sous-Directrice Générale et Directrice Régionale pour l’Afrique de l’Organisation internationale du travail (OIT)