Mardi 14 Mai de l’année grâce 2024, il sonnait dix-sept heures passées de plusieurs minutes. Un groupe de professionnels des médias, dont BOULEVARD DES INFOS, s’est rendu à la « maison des animaux » sise au quartier Boriyouré, une localité située dans le deuxième arrondissement de la Commune de Natitingou, dans le département de l’Atacora, pour rencontrer une personne aux talents particuliers. Il s’agit sans nul doute de Panda Degaule, dit le « Fou sage », un homme qui est reconnu surtout pour son habileté à dialoguer/communiquer avec les animaux, en particulier des reptiles dits sauvages ou dangereux.
Sans aucun rendez-vous préalablement défini, l’homme qui était assis sous un arbre au dehors de son sanctuaire drapé d’une tenue à l’allure rastafari avec son ami inséparable (sa pipe), a bien voulu nous ouvrir les portes de sa « maison des animaux » et se prêter à des interrogations. Dans une ambiance très conviviale, le « fou sage » explique les raisons de son combat pour la protection des reptiles qu’il héberge, ses relations avec les voisins de son milieu de vie puis lance un vibrant appel aux autorités du pays. Allons ensemble à sa decouverte.
© BOULEVARD DES INFOS
Panda ???? Degaule, à quand remonte votre amour avec les animaux dits sauvages ?
J’ai commencé ce que je fais là, il y très a longtemps. Quand je dis qu’il y a longtemps, c’est que je faisais cela depuis mon tendre enfance. Déjà depuis la maison familiale quand j’étais avec les parents. Mais eux ils ne comprenaient pas. Pour eux, quelqu’un qui veut sauver un serpent, ou un crocodile, vous voyez, c’est que celui là n’est pas du tout normal. Les gens ne sont pas habitués à cela. Tout ce qu’ils trouvent normal, c’est que l’homme le plus fort, c’est celui qui tue un serpent et qui ramène son cadavre à la maison.
Comment peut-on qualifier cette affection que vous éprouvez pour des animaux dits sauvages ou dangereux ?
Moi, je dis toujours que le plus fort, c’est celui qui arrive à sauver une vie. Tout ces animaux, si nous ne faisons rien, nos arrières petits enfants, c’est seulement à travers des dessins animés ou des livres, qu’ils vont voir cela. Alors que ce sont des animaux qui sont utiles pour l’écosystème. Par exemple, s’il n’y avait pas certaines espèces de serpents, les rats allaient nous envahir et envahir nos champs et la famine s’installerait. Donc ces animaux ne sont pas aussi diaboliques que ce qu’on nous a enseigné. Il faudra que les gens ouvrent un peu les yeux et c’est cela mon but. Je veux montrer une autre image de la chose.
Dans votre cas, n’est-ce un pouvoir surnaturel ?
Quand on dit que quelqu’un a un pouvoir surnaturel, la personne peut ne pas forcément s’en rendre compte. Moi par exemple, je ne dis pas que j’ai un pouvoir surnaturel. Même ceux qui m’observe, j’ai du mal à les convaincre que c’est naturel. Donc peut-être qu’il y a un pouvoir que je ne sais pas.
Peut-on avoir un pouvoir sans le savoir ?
Ah oui. Bien sûr qu’on peut avoir un pouvoir sans le savoir. Par exemple, ce que moi je fais là, je trouve que c’est tellement naturel. Moi je le fais simplement et naturellement. Ce n’est pas un truc que le commun des mortels a l’habitude de voir. C’est peut-être que j’ai été choisi pour une mission et que je suis sur cette route là.
Comment avez-vous fait la rencontre des animaux ? À quand remonte cette complicité avec les animaux ?
Comme je le disais tantôt, cette histoire a commencé depuis mon tendre enfance. C’est depuis le cour primaire. À l’époque, ce n’est pas ce que nous constatons de nos jours. À l’époque, ce n’est pas l’époque de maintenant où on met les herbicides pour tuer les mauvais herbes. À l’époque disais-je, c’était les écoliers même qui sarclaient les herbes. Donc quand la rentrée commence et qu’on nous demandait de sarcler les herbes, on trouvait des serpents. Et moi, en ce moment déjà, je n’avais pas peur. Je sentais que j’ai la facilité d’aller vers eux. J’allais même jusqu’à en attraper sans me faire mordre et j’ai grandi avec cette capacité. En grandissant, j’ai vu que j’ai cette facilité et c’est comme ça que j’ai continué.
Vous arrivez quand même à dresser les serpents, à avoir cette domination sur tous les serpents ?
Je ne vais pas appeler cela un dressage. Parce que quand moi je vois un serpent, tout de suite dans la brousse, c’est la même chose. J’arrive à entrer en contact avec lui tout suite alors que autrefois, je n’étais pas avec lui. Ce n’est pas un dressage. C’est juste que la communication avec les serpents, je l’ai et c’est un peu difficile à expliquer. Je vais juste dire qu’il y a des relations homme-animal qui sont tellement compliquées à expliquer. C’est de cela qu’il s’agit tout simplement.
Quelles sont les espèces de reptiles que vous abriter ici ?
Au total, j’avais 102 serpents dans cette case. J’ai dû laisser certains repartir dans leur milieu naturel pour qu’ils recouvrent leur liberté. Ici, actuellement, il y a la vipère, le cobra, des pythons royaux, le python de Chéba, il y a le crocodile nain d’Afrique, qui est une espèce en voie de disparition. Les gens avaient capturé ce reptile dans un bafonds et voulaient le tuer, mais je l’ai récupéré et il est là. J’ai aussi des varans, des tortues. J’héberge également des aigles, des scorpions, des chevaux, il y même deux chacals (qui ne sont pas ici actuellement, j’ai du les déplacer pour des soins), il y a des antilopes que j’ai dû aussi déplacer, en attendant de réparer leurs clôtures que les chevaux ont fait tomber. Je dispose aussi des singes que vous pouvez constater en liberté.
Est-ce que dans votre « maison des animaux » vous pensez à former des gens pour la relève ?
Les jeunes qui sont avec moi, en savent beaucoup sur les serpents. La différence chez moi, c’est que quand l’animal (le serpent) est en face de moi, je sais automatiquement à quoi il pense. Je sais ce qu’il veut faire. Donc il ne peut pas me surprendre. Et moi je vais dans son sens. Si je veux toucher un serpent et qu’il n’est pas d’accord, je le laisse. S’il est d’accord, je le prend. Donc je vais toujours dans le sens des animaux sans leurs imposer quoique ce soit. Vous voyez ici des aigles, ils ne sont pas enfermés. Ils ont la latitude de s’envoler. S’ils veulent partir, ils vont s’envoler. Mais ils préfèrent rester. C’est donc un choix personnel. Il n’y a pas de grillages non plus qui les empêchent de partir, et vous auriez constaté également que de leurs ailles, rien n’a été coupée non plus, mais ils sont toujours là. C’est donc un choix personnel. C’est leur choix (Rire).
Tout à l’heure, vous disiez que vous avez dû laisser partir certains serpents parce que vous ne voulez pas les garder indéfiniment. Est-ce à dire qu’à long terme, il n’y a aucun projet par exemple de développer (ouvrir) un complexe animalier ?
Vous savez, c’est des serpents que je récupère dans les maisons en pleine ville. Donc vouloir les garder n’est pas mon but. Le but c’est de les ramener dans leur milieu naturel. J’avais 102 serpents ici à la « Maison des animaux ». Tout ça c’est un budget parce qu’il faut quand même les nourrir. Et ce budget, c’est de ma propre poche que je paye, parce que je ne suis soutenu par qui que ce soit. Personne ne me finance. Tout ce que je fais pour les nourrir, je sors l’argent de ma propre poche. Donc je ne vais pas quand même aller au delà. En voulant tout garder, je vais me retrouver coincé moi même (sourire).
Dans la ville de Natitingou où vous êtes, dites-nous si vous êtes bien accepté par vos voisins étant donné que vous vivez dans une agglomération avec des animaux dits sauvages ?
Mes voisins, si j’ai cette possibilité de les décorer, j’allais le faire. Mes voisins sont vraiment en symbiose avec moi. Malgré le fait que je ramène certains animaux dits dangereux, mes voisins ne se sont jamais plaints. Au contraire, souvent par delà la clôture, ils envoient à manger à ces animaux dits sauvages ou dangereux que j’héberge ici. Et même quand il y a leurs restes de nourriture, quand je ne suis pas dans la cour, ou quand je suis au dehors, ils viennent avec les restes de repas pour me dire, ça reste ceci, ça reste cela, est-ce que les animaux mangent ça ? Et je prends pour en donner aux animaux. Donc je n’ai aucun problème avec mes voisins, ni avec les populations.
C’est l’occasion pour vous de lancer un message aux autorités du pays
Si je dois dire quelque chose en direction des autorités de mon pays, c’est que ce que je fais, ce n’est pas pour moi même. C’est pour mon pays, le Bénin, que je le fais. Parce que les gens quittent un peu partout (États-Unis, France, Martinique, etc…) pour venir me visiter ici à Natitingou. Juste parce que à travers ma page Facebook, ils ont vu ce que je fais. Et quand ils viennent, ils font tourner l’économie du pays. S’ils font tourner l’économie du pays ça ne va pas dans ma poche. Ça va dans la poche du pays (rire). Donc aux autorités qui me suivent, et qui reçoivent mon message, qu’elles sachent que c’est un travail pour nous tous. Si je suis soutenu (subvention, ndlr) c’est comme si le pays est soutenu. Depuis des années que je fais ce travail, je n’ai jamais obtenu un quelconque soutien. Je n’ai jamais non plus reçu une visite officielle des autorités de mon pays. Voilà un peu la situation. Je ne dirai pas que les autorités de mon pays ne me voient pas. Ces autorités ne peuvent pas non plus dire qu’elles ne me voient pas. Il y a juste une mauvaise volonté.
Réalisé par : Is-Deen TIDJANI
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