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Bénin : La Cbp, moyen efficace de protection des filles contre les abus sexuels en milieu scolaire

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Les abus sexuels en milieu scolaire constituent un phénomène réel au Bénin. Malgré les nombreuses actions menées sur le terrain par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et autres structures pour son éradication, le phénomène reste encore d’actualité. Ces dernières années, plusieurs cas recensés un peu partout dans le pays mobilise l’attention des acteurs du système éducatif, surtout lorsqu’il s’agit des plus petits enfants du primaire. Il faut alors continuer d’agir.

Par : Cyrano ABIALA
© BOULEVARD DES INFOS

Jeudi 14 Décembre 2023. Nous sommes au marché de Zinvié, dans la commune d’Abomey-Calavi. Firmine (nom d’emprunt), 19 ans et vendeuse de fruits nous impressionne par son accueil mais surtout son expression en français. À notre question de savoir ce qu’elle faisait dans un marché à pareil moment avec ce niveau de langue, elle répond avec désinvolture « j’ai quitté leur école (azomin en langue fon du sud Bénin) parce que professeurs et autorités voulaient abuser de moi… ».

Comme Firmine, beaucoup d’autres ont dû abandonner les classes pour échapper aux abus sexuels en milieu scolaire. Et les autres qui n’ont pas abandonné, continuent de subir ou de se battre au quotidien contre ce phénomène à la peau dure, malgré toutes les mesures prises au sein de la société. Environ 53% des élèves du primaire et du secondaire ont déclaré avoir été témoins ou subi des attouchements inappropriés, des pressions ou des blagues à connotation sexuelle ; près de 17% ont subi contre leur gré, des attouchements aux seins, aux fesses etc…; d’après un document conçu par l’institut national pour la formation et la recherche en éducation (INFRE) dans le cadre des journées pédagogiques de 2018. Le même document rapport que selon une étude, 11.384 cas de violence basée sur le genre ont été enregistrés au Bénin dont 342 cas de harcèlement sexuel, soit environ 29 cas par mois.

Des causes et conséquences des abus sexuels en milieu scolaire

Plusieurs facteurs peuvent favoriser les abus sexuels en milieu scolaire. « Aujourd’hui avec l’utilisation des téléphones intelligents, les jeunes ont des facilités à accéder aux sites de films pornographiques et sont curieux de pratiquer ce qu’ils ont suivi. Ils s’en prennent donc à une sœur ou un proche vulnérable pour pratiquer ce qu’ils ont suivi. Aussi, les filles, même mineures ont parfois des formes de majeures. Ce qui n’est pas toujours à leur avantage », déclare Emmanuel Sambiéni, enseignant au département de Sociologie de l’Université de Parakou (Up) cité par Samira ZAKARI, dans un article publié sur le site de Care. À cela, il faut ajouter la fuite de responsabilité des parents et l’inconscience de certains acteurs du système éducatif, sans oublier la complicité de la société qui en arrive parfois à protéger les auteurs d’abus en milieu scolaire par son silence, au lieu de les dénoncer.

Pendant ce temps, les abus sexuels peuvent conduire à la destruction physiologique et mentale des victimes. « (…) L’avenir de la victime est étiqueté, elle a du mal à se reconstruire dans la société. Il y en a qui abandonnent leur formation professionnelle ou l’école pendant une bonne période ou totalement», selon le Sociologue Emmanuel Sambiéni. Au-delà de la justice, il faut encourager des initiatives innovantes de lutte contre ce phénomène.

De la charte de bonne pratique et d’autres moyens de lutte

La justice mène une lutte intense contre les abus sexuels en milieu scolaire. Dès qu’un cas est dénoncé et avéré, les acteurs judiciaires punissent avec toute la rigueur possible le mis en cause pour décourager à jamais le phénomène. Mais cela ne suffit pas. Car les séquelles laissées à la victime restent pour toujours. C’est pourquoi il faut éduquer la société. En la matière, la Charte de bonne pratique constitue un outil capital. En effet, au nombre des initiatives prises pour lutter contre le phénomène des abus sexuels, figure en bonne place la charte des bonnes pratiques (Cbp) instituée par arrêtés ministériels en date du 17 décembre 2015 pour l’Enseignement secondaire et en date du 21 décembre 2016 pour l’Enseignement primaire. Il s’agit d’une convention locale où s’engagent les six parties de chaque établissement scolaire, c’est-à-dire les enseignants, les élèves, les parents d’élèves, les vendeurs, le personnel de service et les responsables de l’administration.
Après le lancement de sa généralisation en 2017 sur toute l’étendue du territoire national, des résultats probants ont été notés en termes de diminution des cas d’abus sexuels. Et l’étude commanditée sur les effets de cette charte et d’autres initiatives sur la période 2011 à 2020, fournit encore des données scientifiques. En effet, « sur l’ensemble des enquêtés, moins de deux apprenants sur dix (17,3 %) ont connaissance de la CBP. Cette proportion est de 15,6 % pour les élèves contre 26,7 % pour les acteurs secondaires. Puisque le sujet est tabou et à cause des pressions diverses, le principal mode de règlement des abus sexuels est le cas par cas et le règlement à l’amiable (64,2 %). Les principaux facteurs de réussite de la CBP sont la fonctionnalité effective des comités de veille et le dynamisme / appropriation de la CBP par les responsables des établissements.
À contrario, l’avis de suivi, l’impunité des cas d’abus sexuels, les pesanteurs socioculturelles, les attitudes des victimes et autres ne sont pas des facteurs à la prospérité de la charte », lit-on dans le rapport de cette étude.
Il reste donc des défis à relever dans la vulgarisation de la Cbp et la sensibilisation des acteurs pour éradiquer définitivement le phénomène des abus sexuels en milieu scolaire au Bénin.

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